Technicité et productivité avancent d’un même pas
Il y a une dizaine d’années, l’utilisation de vis en lieu et place de clous dans des applications liées à la construction en bois marquait une véritable rupture technologique qui a conduit à un essor du marché des vis à bois. Bien que les produits les moins sophistiqués destinés aux assemblages les moins exigeants génèrent toujours la majeure partie des ventes, le marché gagne régulièrement en technicité. Confort d’utilisation et rapidité de vissage, garants d’une bonne productivité, sont ainsi toujours améliorés, tandis que les vis techniques assurant aux assemblages et fixations un haut niveau de fiabilité et de sécurité représentent pour les fabricants un moyen de différenciation sur un marché à l’offre pléthorique.
Une vis n’est qu’un petit morceau de métal mais une grande part de sécurité » peut-on lire sur la page d’ouverture du site Heco Schrauben, l’un des grands noms de la vis à bois en Europe. Et, de fait, ce petit cylindre de métal fileté avec une tête d’un côté et une pointe de l’autre qui revêt souvent, en dépit de son apparente simplicité, un aspect extrêmement technique joue un rôle décisif dans la fixation de structures en bois, et donc dans la sécurité des personnes.
Du côté de la fabrication, pour être très schématique, on indiquera que tout part d’un fil d’acier qui sera usiné par fraisage (enlèvement de matière) et/ou écrasé et étiré entre des cylindres qui impriment le profil et le pas d’une spirale métallique (le filetage) appelée à devenir une vis. Utilisées dans la réalisation d’innombrables types d’aménagements, à l’intérieur et à l’extérieur, les vis à bois forment une famille de produits large et profonde. Ne se cantonnant pas aux seules applications bois sur bois, comme pourrait le laisser penser leur dénomination, elles sont aussi mises en œuvre pour réaliser des assemblages métal sur bois, voire même pour la fixation de connecteurs et autres sabots de charpente, pour ne citer que ces deux exemples.
Comme nous le relevions dès l’introduction de ce dossier, la possibilité d’avoir recours au vissage plutôt qu’au clouage pour l’assemblage et la fixation d’éléments de construction et/ou d’aménagements en bois, un secteur qui connaissait un boom au début des années 2010, a dynamisé les ventes des outils et consommables qui y sont liés.
Redressement du secteur de la construction en bois
Les résultats de la dernière enquête en date réalisée dans le cadre de l’Observatoire National de la Construction Bois, portant sur l’année 2018, font apparaître une hausse de 13% du CA global de la construction bois par rapport à 2016, un mauvais millésime qui clôturait trois années de recul. Le CA imputable à la construction de maisons individuelles en secteur groupé (résidences et lotissements) et de bâtiments industriels et artisanaux a en effet enregistré sur la période 2016-2018 une progression particulièrement forte, respectivement de 49% et 31,5%, la hausse du chiffre d’affaires touchant néanmoins l’ensemble des constructions en bois, des logements collectifs (+19,4%) aux maisons individuelles en secteur diffus (+20%) en passant par les extensions-surélévations (+9,1%) et les bâtiments privés et publics du secteur tertiaire (+9,2%).
L’engouement des Français pour les maisons en bois (et pour les aménagements divers en bois) pour des raisons écologiques et esthétiques ainsi que les exigences réglementaires concernant l’isolation thermique ou les mesures qui permettront à la France de remplir ses engagements à l’horizon 2030 concernant notamment la réduction des gaz à effet de serre, devraient permettre à la construction bois de poursuivre son développement, et avec elle, le marché des vis à bois (l’ossature bois étant la technique constructive de loin la plus utilisée, quel que soit le type de construction). Les travaux et les initiatives prises par la filière bois tels que les vitrines que sont les immeubles bois de grande hauteur et les Jeux Olympiques 2024 vont dans le même sens.
De bonnes perspectives de développement
La hausse du CA de 39% enregistrée en 2018 par les entreprises de la construction bois sur le marché de l’ITE (isolation thermique par l’Extérieur) en rénovation est une autre donnée intéressante quant au développement des ventes de vis à bois d’acteurs du marché qui s’accordent à reconnaître l’impact bénéfique de la construction et des aménagements bois – et tout particulièrement des terrasses – sur le niveau de leurs ventes.
Proche, mais distinct du marché de la construction bois, celui du bardage affiche lui aussi une progression, même si elle est plus modeste puisqu’elle aurait été de 2% du chiffre d’affaires en 2018 (avec une prévision estimée à 2,5% pour l’année suivante) selon la marque française Norail. Le bardage, ce revêtement habillant les murs extérieurs tout en les protégeant de l’humidité et des infiltrations et qui constitue une solution esthétique permettant d’intégrer une isolation par l’extérieur (ITE) en toute discrétion participe lui aussi au développement du marché des vis à bois, à la condition que le mur support soit en bois (si le bardage est posé sur du béton, il faudra avoir recours à une fixation adaptée à ce support, souvent un scellement chimique). La vitalité de la famille aménagements extérieurs passe quant à elle en grande partie par la fixation des lames de bois des terrasses.
Succédant à une bonne année 2019, plusieurs fabricants de vis à bois ont évoqué l’excellent démarrage de l’année en cours… freiné net par la pandémie mondiale de Covid-19 qui fait rage au moment où nous écrivons ces lignes et dont le retentissement qu’il aura sur l’économie mondiale est difficile à évaluer à ce jour.
Les vis classiques, les plus vendues
Au fil des années, l’écart se creuse entre les vis les plus simples et celles que l’on peut qualifier de techniques.
Les vis classiques sont utilisées pour tous types d’assemblages et fixations courantes ne nécessitant pas des vis d’un niveau de résistance à l’arrachement ou au cisaillement particulièrement élevé. Certaines, plus qualitatives que d’autres, possèdent des caractéristiques liées à la qualité de leur acier ou à la géométrie de leur filet leur permettant d’être utilisées dans certaines essences de bois sans se limiter aux agglomérés et autres bois reconstitués. Totalement saturé, le marché des vis à bois classiques standard met en lice de multiples acteurs, européens et asiatiques, qui réalisent des volumes de vente élevés avec des vis de faible coût unitaire.
Les vis techniques, dont les gammes sont souvent de fabrication européenne, sont quant à elles des produits sophistiqués dans leur conception, leur géométrie et le traitement de leur acier (quand elles ne sont pas en inox), et dont les composantes et/ou les traitements font souvent l’objet de brevets.
Une très large fourchette de dimensions
Côté dimensions des vis à bois, on rappellera, même si cela semble évident, que plus une vis est longue et son diamètre important, plus fort est son ancrage dans le support. Autre donnée sans doute connue de la majorité d’entre vous, les diamètres supérieurs à 5 à 6 mm (et les longueurs correspondantes) concernent presque toujours les vis techniques, même si elles existent parfois dans des dimensions plus réduites. En consultant les catalogues des spécialistes de la visserie bois, on constate que les dimensions des produits se font de plus en plus élevées, traduisant une technicité croissante des produits utilisés dans certaines applications.
La fourchette des dimensions standard des vis à bois couvre des diamètres de 2 mm à plus de 15 mm pour des longueurs situées entre 25 mm et quelque 600 mm. Les vis de plus de 200 mm relevant de la catégorie des vis dites ‘‘de grande longueur’’ – elles peuvent atteindre 1 000 mm, et parfois plus pour les fabrications spéciales – sont utilisées en charpenterie, en isolation sous toiture (la pose d’un isolant épais étant requise dans certaines régions connaissant des températures basses) et dans certaines applications spécifiques (par exemple, le renforcement mécanique dans le lamellé-collé).
Pour citer les dimensions de vis à bois les plus utilisées dans certaines applications courantes, les propos concordants de fabricants indiquent les valeurs suivantes : concernant le vissage dans les panneaux, des diamètres de 3 à 6 mm pour des longueurs de 16 à 300 mm ; pour la fixation des lames de terrasses, des diamètres de 4,5 mm à 6 mm et des longueurs de 40 à 80 mm ; pour les vis de charpente, des diamètres de 6, 8 et 10 mm (les diamètres excédant 16 mm relevant de la charpenterie industrielle) pour des longueurs de 60 à 1 000 mm. Selon plusieurs spécialistes de la vis à bois, le 20/80 des ventes du marché de la vis à bois concernerait des vis à tête fraisée de 4 mm de diamètre dans des longueurs de 40, 50 ou 60 mm.
Solutions normées pour applications exigeantes
Les applications exigeantes en matière d’assemblage et de fixation dans le bois comme le montage de terrasses, la charpenterie ou l’ITTE – isolation thermique de la toiture par l’extérieur (souvent réalisée selon la méthode du sarking pour les toits inclinés dans le cadre d’une construction neuve ou d’une rénovation importante) nécessitent la mise en œuvre de vis techniques répondant à besoins spécifiques en termes de résistance mécanique (à l’arrachement, à la flexion, au cisaillement) et, pour la pose en extérieur, de résistance à la corrosion. Les fabricants de gammes techniques de vis à bois (sur lesquels nous revenons dans l’encadré de ce dossier) cherchent également à améliorer la vitesse de pénétration de la vis dans le bois – laquelle tient notamment à sa capacité de fraiser le bois tout en évitant que celui-ci ne se fende – pour que l’utilisateur professionnel gagne en productivité.
A ces différents besoins répondent des caractéristiques relatives à l’ensemble des composantes des vis techniques dont la plupart répondent aux exigences de la norme EN 14592 (concernant les éléments de fixation en acier pour l’utilisation dans des structures portantes en bois) et/ou parfois à celles, plus strictes des ETE (Evaluations Techniques Européennes), certains fabricants choisissant d’accompagner leurs vis techniques de déclarations de performances techniques (DoP) délivrant des détails techniques sur les performances des produits utiles dans le cadre de projets de structures. Les produits de fixation entrant dans la construction de maisons et bâtiments à ossature bois doivent également répondre aux exigences spécifiées dans le nouveau DTU 31-2 paru en mai 2019 (concernant notamment l’obligation d’utiliser des vis en inox pour l’extérieur), la RT 2012 simplifiée comportant quant à elle une partie traitant de l’impact des vis sur l’isolation thermique d’un bâtiment.
Des têtes bien faites
Au même titre que les autres parties d’une vis, la tête participe à faciliter le vissage et à rendre l’assemblage plus fiable, voire plus esthétique dans certaines applications, et également plus sûr (par exemple en permettant de se tenir pieds nus sur une terrasse sans risquer de s’écorcher).
Sous certains types de têtes, les vis peuvent être équipées de crans permettant à la tête de s’encastrer sans dépasser en fin de vissage dans un bois dur et sans fraisage préalable. En facilitant l’évacuation des copeaux, ces crans participent également à un bon ancrage du filet dans le support.
De forme conique et bénéficiant de cette caractéristique, la tête fraisée plate qui attaque bien le bois et se positionne à fleur de support domine très largement l’offre de vis à bois techniques, comme le montrent les produits qui émaillent ce dossier. Elle est utilisée le plus souvent pour l’assemblage bois sur bois, mais parfois aussi métal sur bois. La tête bombée, en version fraisée ou pas, est privilégiée pour des fixations décoratives de meubles, ferrures de portes, plinthes et autres habillages de portes. La tête cylindrique proposant une surface d’appui plate sous la tête affleurant la surface de la pièce à assembler est utile pour réunir des pièces métalliques non fraisées sur du bois (en faible diamètre, elle équipe parfois des vis utilisées pour des terrasses). Parmi les têtes qu’adoptent souvent les vis à bois figure encore la forme hexagonale plate (à empreinte extérieure à 6 pans) équipant les tirefonds utilisés pour le montage de charpentes et autres structures en bois où l’esthétique ne prime pas mais qui requièrent des couples de serrage très élevés.